lundi 25 janvier 2016

La tirade des CHU - par Edmond Rossant

L'autre jour, j'ai twitté :

"Le CHU, cette entité paternaliste, autoritaire, sourde, aveugle, maltraitante et fondamentalement bête. Un modèle de contre-exemple."

Ce Tweet a attiré les foudres de certains internautes. 
Leur affiliation à un (ou des) CHU n'était pas précisée, à ces chers hommes. Ces CHUr hommes, plutôt.
"Stupide." "Caricatural." "Généralisation hâtive". "Réglement de compte."
Bref, comme souvent : des invectives, mais pas l'ombre d'un début de discussion. 

Jusqu'à l'intervention légère et bienvenue de @Waggis1 :

"Ah non, c'est un peu court, jeune homme... On pourrait dire, Oh, Dieu, bien des choses en somme..."

@Waggis1 a raison. C'était un peu court. Et je le remercie.

Il fallait réparer ça et répondre aux invectives sur un ton approprié.
Voici donc...

La tirade des CHU 

Et oui, Twitter, c’est bien trop court, en somme
Mais je peux rallonger sans effort, mon CHUr homme !
Des tirades en série je t’en mets plein… la vue :

Anarchiste : "Moi, mon vieux, si je tenais ton CHU,
Il faudrait sur le champ que je te l'explosasse !"
Communiste : "Ça coûte du pognon en masse !
Que dis-tu, camarade, d’un CHU autogéré ?"
Effaré : "C’est un bloc ! Un immeuble ! Une cité !
Que dis-je, une cité ? C’est une péninCHUle !" (1)
Hugolien : "Qu'est-ce donc qu'un CHU au crépuscule ?
Un refuge, vraiment, ou un sombre tombeau ?"
Vigilant : "Aimez-vous à ce point les effets nocebo (2)
Que sans discernement vous vous surappliquates
À bourrer les malades de drogues allopathes ? "
Soupçonneux : "Hé, Docteur, quand vous endoscopez
L'odeur des honoraires vous monte-t-elle au nez
Sans qu’un patient ne crie «  Hélà, vous m’entubez ! » ? "
Taquin : "Vous devriez le peindre couleur thé
Afin que les malades s’y croient tous en été..."

Scandalisé : "M’enfin ! Ce dont vous médisez
Est le plus pur joyau du système de santé !"
Plaintif : " Par pitié ! Etre PU-PH (3)
C'est se tuer à coup sûr, par deux fois, à la tâche !"
Docte : "L’affection rare, qu’Averroès nommait
Furonculositésurunculdebaderne,
N’a plus aucun secret pour tous nos bons internes !"
Autoritaire : "Etudiant, va donc faire un toucher
Vaginal sous AG ! Non ? Pourquoi ? T’es bouché ?
Si tu refuses ainsi, comment veux-tu apprendre ?
Tu ne seras jamais médecin ! Va te pendre !"

Martial : "Ta réputation, CHU magnifique
Résiste à tout, vraiment, même aux antibiotiques !"
Vaniteux : "Nos chirurgiens sont des cadors !"  
Vexé : "Et nos obstétriciens, alors ?"
Sacré : "Ce temple, patient, j’y exerce pour toi !"
Curieux : "Et ton cancer, quand est-ce que je le vois ?"
Tyrannique : "Allons, malade, tais-toi donc et admire !
Un praticien de CHU est Maréchal d’Empire !"

Au généraliste : "Mon gars, t’es culotté
De m’demander des comptes ! Mon CHU, c’est du poulet ?"
Aux infirmières : "Garde à vous ! V’là la clique !
Le patron, l’agrégé et leurs pharmaceutiques !
La recherche, Mesdames, est une vocation !"

Enfin, pour mettre un terme à cette incantation
Faisons, une fois pour toutes, un sort, et grâce au ciel
Aux reproches infâmants du corps ministériel :
« Le voilà donc, ce CHU, qui de notre Santé
Détruit l’économie. » Quelle légende insensée !...

Voilà ce qu'à peu près, CHUr homme, je peux te dire
En dehors de Twitter. Et je sais, c’est bien pire.
Et pour toi, irritant, d’avoir à te taper,
Ces maudits calembours, ces blagues éhontées.
Mais ne t'en prends qu'à toi : ton ire m’a mis en verve.
La parole se prend, et il faut qu’on s’en serve.
Et nulle institution n’est à ce point sacrée
Qu’un citoyen ne puisse, librement, la railler.
Que tu sois professeur, attaché ou déchu
Souffre donc que je pète aussi haut que ton CHU.

Edmond Rossant, Marcyrano de Wincklergerac


(1) Calembour aimablement fourni par @Waggis1. Merci encore !
(2) Inverse de l'effet placebo : effet néfaste induit par la prescription d'un médicament sans que le médicament en soit responsable.
(3) PU-PH : Praticien universitaire - praticien hospitalier. Cumul des mandats (et des salaires) légal dans les CHU français.

3 commentaires:

  1. Au titre du blog, j'ai cru un instant rêver à la reincarnation de ce bon vieux Destouches (d'avant les bagatelles hein ?)
    En tout cas ces quelques vers m'ont bien fait rire, notamment celui ci :"Hé, Docteur, quand vous endoscopez
    L'odeur des honoraires vous monte-t-elle au nez
    (attention de ce fait
    il y manque une guillemet)
    C'est marrant mais je desespérais de trouver un autre blog d'un écrivain écrivant... Voilà qui est fait, et j'en suis content. Ces vers sur les CHU, j'aurais pu m'en emparer. Bonne continuation, je reviendrai ou, comme le dirait le grand philosophe Terminator : "I'll be back"

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  2. Bon, j'aime bien, forcément c'est drôle et enlevé, mais j'aurais aimé aussi un texte argumenté, et des alexandrins réguliers !
    Signé : le poète pinailleur !

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  3. Re-bonjour amis de la poésie et du CHU farçi !
    Puisqu'il parait que c'est toujours un peu court, et que Marc-Edmond-Martin me l'a bien dit et redit, voici quelques alexandrins lipogrammatiques en e, composés pour les seuls plaisirs gratuits du défi et faire sourire les lecteurs.

    Trois quatrains pour Martin qui n’aimait pas nos CHU
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    Un jour Martin voulut, parodiant Cyrano,
    Mugir dans un grand cri son anamour du CHU.
    Par variations du ton son propos frappait dru,
    Tailladant mandarins à gogo : grand culot !

    Lisant son long opus j’opinai car au fond
    J’ai du grand vilain CHU un trauma angoissant.
    Mais, dactylocomptant, son syllabial douzon
    M’apparut ou trop court ou trop long par instants.

    Il aurait dû polir ! A trop vouloir honnir,
    Marc Zaffran, bâclant ça, cassa sa baraka.
    Dix sons, plus un, plus un : du xandrin au bon poids,
    Voilà pour vous, Martin, un truc à applaudir !

    A. Z.

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