vendredi 25 mars 2011

Est-ce qu’on peut apprendre à écrire ?




Le mot « apprendre », en français, est ambivalent. « Apprendre » quelque chose ça peut, selon le cas et le contexte, signifier : « acquérir un savoir » ou « éduquer, enseigner, informer ».

Je viens de donner mon dernier cours de création littéraire à un groupe de quatorze étudiants. Dix jeunes femmes, quatre jeunes hommes. Ce n’était pas la dernière séance : celle-ci aura lieu dans quinze jours ; ils me remettront leur devoir de fin de session, nous ferons le bilan des quatorze semaines d’enseignement et chacun d’eux (de nous, car je le ferai aussi) apportera un extrait de livre ou de film à lire ou à montrer à ses camarades.

Le cours que j’ai donné a certainement été exigeant pour les étudiants. C’était un cours optionnel, ils avaient déjà beaucoup de travail en dehors de celui-là et je leur en ai demandé (de leur point de vue) beaucoup moi aussi. Ils avaient au moins un texte original (sous contrainte) et une analyse de lecture (ou de film) à rédiger, en une page ou deux, chaque semaine. Mais je ne vois pas comment on peut enseigner (ou apprendre) la création littéraire sans apprendre à lire (ou regarder) les autres et écrire soi-même. En Amérique du Nord un cours n’est en lui-même qu’une introduction, une approche d’un sujet ; l’acquisition des connaissances se fait entre deux cours, et non pendant. 

Aujourd’hui, en m’écoutant leur parler du travail final qu’ils doivent me rendre, pluisieurs étaient inquiets à l’idée de « ne pas y arriver ». Et certains m’ont demandé « ce que j’allais évaluer » – traduction : comment j’allais noter. J’ai rappelé alors le message que je leur avais envoyé (plusieurs ont l’air de ne pas bien lire mes messages… et pourtant je les envoie souvent en double ou en triple, de peur que l’un(e) d’eux/elles ne les reçoive pas) :

« Seront évalués, à part égale, et reflétés par la note :
- écriture (précision et travail de la syntaxe)
- construction (entrée, développement, conclusion) de l’intrigue
- bon usage des descriptions et dialogues dans la dynamique de narration
- respect et exploitation des contraintes (le bar, le quartier, la date, les personnages obligatoires ou facultatifs) dans l’intrigue
- intertextualité (allusions à des éléments de culture littéraire, cinématographique, politiques, culturels, musicaux, etc.) intégrés à la narration et au contenu de la nouvelle."

Evidemment, énoncé comme ça c’est un peu sec. Mais il me semble que c’est clair.

Je vous explique leur devoir : ils doivent écrire une nouvelle qui se déroule dans un lieu qu’ils ont collectivement choisi, situé dans Montréal, à une date précise, et qui met en scène des personnages inventés tout aussi collectivement. A ces contraintes, ils doivent ajouter un personnage de leur cru, le/la quel(le) doit interagir avec les personnages « récurrents », et insérer un « grand mystère » qui les interpelle personnellement et qu’ils ont défini au tout début du cours (sans savoir qu’il ferait partie de leur travail de rédaction final).

C’est de l’écriture sous contrainte, certes, mais c’est aussi de l’écriture libre : ils peuvent inventer le personnage qu’il veulent, employer la forme et traiter le propos de leur choix (et ils peuvent faire entre 4 et 10 pages, ça leur laisse du champ). Dans une certaine mesure, c’est comparable à la situation d’un scénariste de série qui doit travailler avec des contraintes d’écritures pré-imposées en y mettant sa propre « patte ». Imaginez simplement que vous écrivez un épisode de House, M.D. ou, plus modestement (c'est l'exemple que je leur ai donné) de La croisière s'amuse. Vous disposez d'un cadre obligatoire (le paquebot et ce qu'il contient) ; de personnages récurrents (l'équipage). Vous êtes chargé d'embarquer des personnages de votre cru (les vacanciers partant en croisière) et de raconter leurs histoires. 

Et j’en reviens au début de mon texte. Après être revenu sur les contraintes du texte et les modalités de correction, j’ai dit : « Je suis sûr que vous allez tous écrire un texte épatant ». Et j’ai ajouté que je le sais, parce que je les ai lus, au fil des douze ou treize semaines de cours, et j’ai vu à quel point certains d’entre eux se sont démenés pour écrire de manière plus libre, plus originale.

Alors, est-ce qu’on peut apprendre à écrire ?
Si par « écrire » vous entendez « Hécrire de la grrrrrannnnde littératurrrrrrrrrrrrrrrrre », je ne sais pas répondre à cette question.
Si vous entendez plutôt : « raconter des histoires par écrit », ma réponse est oui. Comment ? En écoutant/en lisant les autres, et en s’y essayant avec acharnement. On admet parfaitement que vous racontiez oralement les histoires que vous avez entendues. Qu'est-ce qui vous interdit de raconter VOS histoires par écrit ? 

"Mais est-ce qu’on peut enseigner l’écriture à autrui ?"
Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas. On enseigne bien la musique, la poterie, l’équitation, la pêche.
Comment ? De deux manières, essentiellement : en mettant une canne à pêche (de la glaise, un instrument, des rènes...) dans les mains de l’apprenti et en lui montrant comment l’utiliser.

Je sais que beaucoup penseront : « Oui, mais hécrire, ça ne s’apprend pas. N’est pas Flaubert ou Proust qui veut. » Certes. Mais Gustave et Marcel ne sont devenus des icônes que bien après qu'ils ont écrit ; il a bien fallu qu’ils commencent, et comment ont-ils fait ? Ils ont imité ceux qu’ils aimaient lire, et ils ont cherché du soutien auprès d’autres écrivants de leur génération, qu’ils respectaient et qui étaient leurs amis, quoi qu’on puisse penser de leur « talent » aujourd’hui. 

Gustave et Marcel, l’un comme l’autre, pensaient qu’ils avaient quelque chose à apprendre de leurs aînés et de leurs contemporains. Ils lisaient, ils écoutaient, et ils bossaient. Et ce faisant, ils manifestaient bien moins de vanité et de hauteur que ceux qui aujourd’hui affirment : Hécrire ça ne s’apprend pas.

« Oui, oui, d’accord, me concèdera-t-on. Admettons qu’on puisse apprendre des recettes, des trucs, des exercices. Mais ça ne fait pas des écrivains, tout ça !  »

 « L’ hécrivain (Flaubert, Proust et les autres) est un Vraicrivain  parce qu’il a quelque chose en plus, du talent, du génie, et tutti quanti. Ça ne se décide pas comme ça, ça ne s’acquiert pas en faisant des exercices oulipiens, ça ne se cultive pas, ça ne se crée pas, c’est inné. » Toujours les mêmes valeurs de classe, au fond.

Parce que justement, ce qui est inné, personne n’a besoin de s’en occuper. C’est là. Dans le cerveau. C’est là comme l’oreille absolue, la mémoire photographique, l’odorat sans pareil. C’est une mutation, un don, un talent, on l’appellera comme on veut, mais c’est là. On ne peut rien y faire. On ne peut pas le créer ni le faire disparaître – à moins de détruire celui ou celle qui le porte.

Ce qui peut se cultiver, se développer, en revanche, a besoin de soutien, d’encouragements, de stimuli. Je ne connais pas de grand musicien qui ne répète pas sans cesse les pièces de son répertoire ; je ne connais pas de grand peintre qui ne fait jamais d’esquisses ou ne jette jamais un tableau ; je ne connais pas d’écrivain, fût-il génial, qui n’a jamais raturé une page, recommencé un chapitre ou révisé entièrement ses livres.

Apprendre (ou enseigner) à écrire, c’est apprendre/enseigner à lire, à relire, à se mettre à sa table et écrire, tracer des grands I et des petits a, transformer une bouillie informe en un texte qui ressemblera à quelque chose, se relire, trouver ça plus ou moins bon, soupirer, sourire et recommencer.

Et qui peut enseigner ça, sinon ceux qui le font chaque jour, parce qu’ils passent leur vie à ça ?

Je n’ai pas honte d’enseigner – aujourd’hui à des étudiants de l’Université de Montréal, la semaine prochaine à l’Université François-Rabelais à Tours, le mois prochain aux personnes inscrites à l’atelier du festival Métropolis Bleu et depuis janvier, une fois par mois, bénévolement, à une douzaine de chercheurs en bioéthique – ce que j’ai appris en écrivant. Je ne le fais pas parce que je suis un meilleur écrivant qu’eux. Je ne le fais pas parce que j’en sais plus qu’eux. Je le fais parce que je suis passé par là, j’ai longtemps tâtonné et beaucoup désespéré avant d’arriver à faire d’une bouillie informe quelque chose qui ressemble à un texte, et parce que si personne n’échappe au désespoir par l’écriture, si personne n’est à l’abri de ces moments où on n’avance pas et où on se fait chier, il y a aussi des moments de plaisir, des moments de découverte, des moments de jeu, des moments de joie lorsque, après s’être fixé une tâche, parfois toute simple, parfois très compliquée, on regarde le texte achevé et on se dit qu’on ne s’en est pas trop mal tiré.

Je n’ai pas de génie à transmettre. Mais les moments de joie, de bonheur à l’écriture, je fais de mon mieux pour les susciter, les provoquer, les partager.

 Mar(c)tin 

jeudi 24 mars 2011

Elle dit... - par Lyjazz


Elle dit qu’elle écrit.
Mais elle est prise par la vie quotidienne, les enfants, le ménage, les courses, la recherche du mieux-être de toute la famille, comme un gentil grillon du foyer. Et quand elle a fini elle a juste envie de se noyer dans la toile. Elle est active sur des listes de discussion où elle aide des personnes. Son aura est palpable et ses avis souvent écoutés, respectés. De même, lorsque ses amis ont besoin d’aide ils font souvent appel à elle.
C’est ainsi qu’elle se sent le plus vivante.
Et aussi quand elle écrit. Parce qu’alors elle sait qu’une partie d’elle, la plus intimement cachée, y compris de sa conscience, peut subrepticement se déployer, à la fois sous ses doigts et sous ses yeux. Elle observe en même temps qu’elle vit, les yeux écarquillés et aux aguets, les formes et les divagations de son cerveau.
Elle sait alors qu’une part d’elle-même, qu’elle a accepté de laisser sortir, vivre sa propre vie, va l’entrainer plus loin sur la voie de la connaissance intrinsèque.
Parfois elle a besoin d’extérioriser devant d’autres, de bouger, de canaliser son énergie dans une activité sportive.
Parfois elle a besoin d’exprimer par la voix ce qu’il y a à l’intérieur d’elle-même. Ou alors d’écouter du jazz, seule musique à ses oreilles apte à raconter sans mots les émotions qui la traversent. 
Et parfois le rayon d’énergie est assez aiguisé pour qu’il sorte sous la forme d’un crayon qui note sur le papier ou l’écran.
Elle lit. Et les livres qui viennent sous ses mains sont juste ceux dont elle a besoin. Ils arrivent quand elle doit les comprendre.
Elle rêve, et alors ses sens grands ouverts appellent des mains sur elle. Elle sait que ses seins, ses épaules et ses fesses, ses cuisses, son ventre, sa vulve, peuvent être des havres, des réminiscences de la divinité, des véhicules qui transportent vers l’ailleurs. Le dos musclé et cambré elle appelle.
Alors elle se met à écrire. Parce qu’elle est pleine d’elle et qu’elle parvient à obtenir suffisamment de recul pour observer sa vie, y prendre part et la considérer comme une entité à la fois imaginaire et tangible. Artefact, à vivre.   

mardi 22 mars 2011

Partir, revenir (Ex n°12, rattrapage) par Wejna



Yves est rentré hier d’un an tour du monde. Yves est mon copain d’enfance. Il est venu directement dîner à la maison. Isabelle lui avait fait un tiramisu.
- Alors ce voyage, c’était comment ? lui a-t-on demandé, pour trouver un lien entre son absence et maintenant qu’il revenu.
- Bien, a-t-il simplement répondu avec le sourire. Puis voyant que son assistance restait un peu sur sa faim, il raconta deux trois anecdotes. J’ai appris le Russe, j’ai mangé des insectes au Laos, j’ai fait la fête à Shanghai, j’ai remonté l’Amérique du Sud, j’ai parcouru 10 000 kilomètres, etc. 
Ca a suffit à combler la curiosité de l’assistance. J’étais content de le retrouver mais une mince séparation de glace restait, invisible. C’est vrai qu’un an c’est long mais je dois reconnaître que je n’ai rien vu passer. Comment n’ai-je pas plus ressenti son absence ? Aurais-je été capable d’oublier mon super pot ?

- Et toi, quoi de neuf à Paname ? demanda-t-il, me renvoyant malicieusement la balle.
Mais oui, qu’ai-je fait, moi, pendant cette année ? Quel est le chemin parcouru quand nous n’avons pas de carte à tracer ? J’eu envie de répondre : c’est la rentrée des classes, très peu différente de l’année dernière. Dans un mois ce sont les vacances scolaires de la Toussaint puis viendra Noël et les fêtes de fin d’année. On va de repères en repères...
- Tu sais les enfants changent beaucoup en ce moment, vite. Ils se transforment physiquement d’une saison à l’autre. Ils construisent leur caractère. Nous, on change peu. On les observe.
Je repris un peu de ce Chardonnay bien frais remonté juste de la cave. Il ne disait rien alors je poursuivis.
- Nous avons refait la cuisine. Elle est plus claire. D’après Isabelle, c’est la mode du blanc, enfin en ce moment. Avec un peu de vert vif. C’est toujours bon d’avoir des petits projets. 
- Tu te souviens du Texas ?
Bien sûr ça n’avait rien à voir avec les cuisines, mais il a demandé ça comme ça sans transition. Et je me souvenais du Texas. Et de la postière aussi. Un jour Yves avait découvert un vieux terrain vague derrière l’A10. On y accédait encore par des petits chemins dans la campagne. Il m’avait vendu l’endroit comme un désert aride avec des puits de pétrole, un truc géant. En vrai, c’était un terrain de falun à l’abandon derrière une autoroute. Les camions de marchandises passaient là à toute vitesse avec le soleil dans le dos, faisant briller les chromes quand ils en avaient. Pour nous c’était la route 66. Le terrain était grand pour deux mômes. Des pelleteuses étaient garées pas très loin. Ca pouvait ressembler à un désert et à une compagnie d’extraction d’or noir. C’était devenu une cachette, c’était notre Texas. Puis il avait raconté ça à la postière qui s’ennuyait un peu dans la journée et était contente de parler à deux gamins inventifs. Il l’avait convaincu de nous accompagner.
- Comment était-elle venu la postière déjà ? lui demandais-je comme si je ne me souvenais plus bien. Mais j’avais juste envie qu’il me raconte. Et il adorait ça.
- Je lui avais prêté un vélo trop petit et nous avions roulé entre les nids de poule et le bruit des camions.
En disant ça, on a revu les mêmes images et on est parti à rire.
Je me souviens des odeurs sur ce chemin, les odeurs de pesticide, les odeurs de fer près des rails abandonnées, de l’herbe fraîchement coupée, de la paille et la couleur des bleuets tout le long de la route. La postière avait bien rigolé je crois et nous aussi. Elle nous avait fait fumer là notre première cigarette, des Lucky Strike, et on avait rejoué des scènes de feuilletons américains ou de western, ça je ne me rappelle plus très bien.

- Tu sais que je me suis remis à fumer, lui avouais-je. Oui je sais j’avais arrêté, puis j’ai repris, souvent.
Je ne lui dis pas combien j’avais regretté qu’il parte, que je lui en avais voulu même. J’aimais ces moments, où nous laissions nos copines aller se coucher après le dîner pour nous échapper derrière la cabane de jardin avec un verre de whisky et un cigare. On refaisait le monde ou on se le faisait croire. On parlait whisky. Chaque ouverture de bouteille était sacrée. Il l’accompagnait d’une tirade d’une demi heure au bas mot sur sa provenance, sa distillation. C’est comme ça que j’ai apprécié les single malt de caractère, élevés aux embruns et à la tourbe. Nous aimions les Laphroaig un peu épais ou la finesse des Nikka un brin salés. Il ne se lassait pas de me parler des territoires et des hommes qui ont l’amour de la terre. Il a ce don de savoir vous faire voyager à travers un whisky, un cigare ou même un vin de pays. Une année, il voulu m’emmener faire un tour à bicyclettes des distilleries sur les îles d’Ecosse. Ou alors il disait : « viens, on s’achète un bateau, on part trois mois et on atteint le Cap Vert ». Mais il y avait Isabelle et les enfants déjà. Et puis on disait ça comme ça, pour déconner entre pots, ça n’était pas vraiment sérieux.

Il regardait le fond du jardin avec attention.
- Et cette cabane ? Tu l’a retapée ou bien ?
- Non. En plus elle est pleine de mousse.
Je sais qu’il y a de la mousse sur la cabane à jardin parce que j’y vais toujours, seul. Je m’y cache pour fumer. Il n’a pas voulu laisser ses rêves à l’enfance le salaud. Ils les a construits parce que c’est ce qu’il s’était promis d’être. Il n’a simplement pas réussi à grandir sans eux, à faire le deuil de ses jours heureux de petit garçon.
- Tu n’as jamais cessé d’y croire au fond...
- A quoi ?
- Au Texas.
- Et toi ?

 Wejna 

dimanche 20 mars 2011

Un voyage en Amnésie (ex. n°16) - par Elizabeth LC


 

L’Amnésie est un vaste pays, ses habitants s’appellent les Amnésiques. Ses frontières sont évidemment incertaines. Il est bordé par le fleuve Mémoire, mais ce fleuve est instable, ses méandres serpentent tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, et parfois son lit est complètement à sec. L’Amnésie est un vaste pays. Un jour, quelqu’un y va, il ne revient pas, ou bien il revient et il ne sait pas qu’il y est allé.

Athènes, rue Mnisikleous. Le nom me dit quelque chose, mais je ne me souviens pas de quoi. Cela appartient à une autre ère, une autre strate géologique. Je me souviens de toi, sans doute, et de certains moments, certains jours. Je ne me rappelle plus de moi-même, qui j’étais. J’ai perdu la clef. Je ne suis pas sûre qu’il y en ait jamais existé une.

Amnésie. En langue des oiseaux, et en sabir franco-grec, « âme – nisi » = l’île de l’âme.

Où est le lieu des accents circonflexes ? Où est le lieu des voix qui se sont tues ? Où est le lieu des rencontres qui n’ont pas eu lieu ?

La nuit ramène son lot habituel de dérives. « Les pensées de la nuit, toujours plus brillantes, plus impersonnelles, plus douloureuses. Constamment douleur et joie infinies, et en même temps le calme. » (Maurice Blanchot, L’Attente l’Oubli).

Je vais plonger dans le fleuve de mémoire, repêcher des objets non identifiables, aborder de l’autre côté, au rivage de l’Amnésie. Ne cherche pas à me poursuivre, car je t’ai déjà oublié.

L’Amnésie est un vaste pays. Un jour, quelqu’un y va et il ne revient pas, ou bien il revient et il ne sait pas qu’il y est allé. Un jour, une nuit. Demain est un autre jour.

Elizabeth L.C.
avril 2004, revu mars 2011

samedi 19 mars 2011

Quand je serai plus vieille (rattrapage) - par Pauline


 
Quand je serai plus vieille, "le soir à la chandelle", ne puis-je m'empêcher d'ajouter. Rémminiscence d'un temps ancien, où à l'école élémentaire, l'instituteur nous avait fait apprendre Ronsard.

Je me revois, petite fille, assise sur un de ces bancs délavés. Chaque mardi matin, nous récitions un nouveau poème. J'attendais mon tour, prête à réciter ma poésie.

La veille, je l'avais révisée auprès de mon père. Il avait sorti pour l'occasion son Lagarde et Michard. Les images se bousculent. Visions, sensations, émotions. Le feu dans la cheminée emplit la pièce de son odeur. 

Des formes incertaines se détachent sur les murs au gré des crépitements. Le son monte, interrompu uniquement par le bruit sec d'une bûche qui s'écrase sur un chenet. Et je m'élance. D'un souffle, j'expulse mon sonnet. Je n'aimais pas que l'on m'entende. Cela aurait pu dévoiler mon corps disgracieux - dis-graiss-ieux. Il faut savoir employer les mots dans leur sens premier. L'instituteur ne cessait de nous le répéter.

Sa voix vient d'ailleurs de se faire entendre : c'est à mon tour.

Je m'extirpe brusquement de mes pensées.
 
 "Ah, qu'il est loin ce temps où ma mémoire ne filait pas entre mes doigts", se dit la vieille femme alors qu'enfants et petits enfants venaient de quitter sa maison dans une joyeuse pagaille. "Bientôt six lustres" ajouta-t-elle en souriant, les mains posées sur son corps amaigri par les années passées, se souvenant des jours ensoleillés où elle rédigeait sa thèse.

dimanche 13 mars 2011

Je me souviens - par Martine B


JE ME SOUVIENS…
Je me souviens les bombardements,
Le martèlement des bottes sur le bitume, les uniformes vert de gris,
L’exil   à la campagne au fin fond du Poitou,
Mais où ai-je donc rangé ce satané portefeuille?

Je me souviens mon premier amour,
La Guinguette, le petit vin blanc et la valse musette,
Les balades en tandem, les pique-niques entre amis.
Il faut changer ce téléphone, c’est bizarre, je n’arrive plus à joindre personne.

Je me souviens l’atelier,
Ton grand-père sur le métier, les soieries chatoyantes,
Les vacances avec vous tous sur la côte Atlantique chaque été.
Je ne sais plus si j’ai pris mes médicaments ce matin… 

Je me souviens qu’il faisait froid quand tu es née un matin de février.
Je t’ai regardé grandir,
Et par une belle journée de printemps tu m’as présenté mon arrière-petit-fils.
Ta sœur, je l’ai connue toute gamine, mais c’est une femme maintenant !

Quel jour est-on aujourd’hui ?
Qui vient tout déplacer chez moi en mon absence ?
Mais qui est donc la mère de ton frère?
Je me souviens … je me souviens ?

lundi 7 mars 2011

J'écris à l'aventure


Pour moi, écrire est un travail. C’est un travail que j’aime, mais c’est un travail. Ça ne vient pas tout seul. Même quand j’ai une « bonne » idée, il faut quand même que je la mette sur le papier, que je la « file » comme s’il s’agissait d’un brin de laine à transformer en pelote, puis que je la tricote pour en faire quelque chose qui ressemblera à un texte. Ça ne tombe pas tout cuit. Pour reprendre une expression chère aux écrivains américains que j’aime le plus : 5% d’inspiration, 95% de transpiration. 


Cela vient certainement du fait qu’à mes yeux, écrire un livre, ça consiste avant tout à construire un récit satisfaisant pour le lecteur que je suis. Si j’écris des romans à péripéties, c’est parce que c’est ce genre de romans que j’aime lire. Ça n’empêche pas d’être « expérimental », de faire « de la recherche » en écrivant, mais ça veut dire que je me préoccupe, en premier lieu, de l’adéquation entre la (ou les) formes du texte et son contenu et, secondairement seulement, du « style » (des finitions opérées sur l’énoncé). Non que je n’aie pas d’appétence pour le style, ou d’ambition stylistique, mais parce que je pense que le style, c’est un mot ronflant inventé par de pseudo-élites pour désigner la « musique » de l’écrivain telle que l’entend le lecteur "éduqué" ; de mon point de vue, plus modestement, j'appelle "style" les procédés (trucs, tics, habitudes rationnelles ou non) d’écriture qui me permettent... de comprendre ce que je raconte.

Donc, écrire, c’est un travail. Pour des raisons « historiques » (relatées dans « Comment j’ai gagné ma vie en/d’ écrivant »), tout ou partie de mon activité d’écrivain est rémunérée depuis presque trente ans au jour où j’écris ceci : j’ai commencé par être rédacteur dans une revue médicale – où j’écrivais toutes sortes de choses – en 1983. C’est donc non seulement un travail mais aussi un gagne-pain. Ça ne diminue en rien le plaisir que j’ai à écrire, ni le désir d’écrire pour écrire (ce que vous lisez en cet instant n’est pas une commande, et si ça n’est jamais publié ailleurs que sur ce blog, ça ne me rapportera pas un kopeck), mais ce n’est pas sans importance dans ma vie quotidienne.

Ça signifie, de fait, que je n’écris pas toujours "pour le plaisir" (même si c’est probablement ce que j’aime le plus faire au monde, avec la lecture, le cinéma et les galipettes) mais aussi pour gagner ma croûte et élever mes enfants.

Même lorsque j’écris « pour rien » (ce qui est le cas le plus souvent, vu le nombre de courriers, d’interviews, d’articles, de résumés, de projets, de chapitres perdus, d’exercices – que je peux pondre en une année), écrire est un travail. Ça n’est jamais futile. Ça n’est jamais « anecdotique ». J’ai répondu à chaque courriel qu’on m’a écrit pour Le Chœur des femmes quand il est sorti en édition courante, et je réponds à ceux qu’on m’adresse depuis qu’il est sorti en poche et, chaque fois, j’essaie d’être aussi personnel que possible, j’essaie de faire de mes remerciements autre chose qu’un courriel de remerciements qui aurait pu être écrit par une machine.

Ecrire est un travail, donc mais, heureusement, parfois c'est un travail agréable ; en particulier quand les émotions que je ressens en le faisant sont elles aussi agréables : excitation, amusement, rage vengeresse, etc. J’ai éprouvé de grandes joies à écrire certains chapitres de mes romans, et je me les rappelle précisément. J’ai éprouvé aussi de grandes émotions – jusqu’aux larmes – en écrivant ou en réécrivant certaines pages. « Monsieur et Madame Deshoulières » (dans La Maladie de Sachs),  « Emma et Madeleine » (dans Les Trois médecins) et « Karma » (dans Le Chœur des femmes) m’ont fait pleurer quand je les ai écrits, et j’ai encore la gorge qui se serre quand je les relis. 


Ressentir de telles émotions constitue le plus grand plaisir que je peux éprouver à l’écriture. Mais ce plaisir n’est pas permanent. D’abord parce que, je le répète, écrire est un travail – et le mot travail ici n’est pas synonyme de « corvée » ou de « souffrance » : je ne souffre pas quand j’écris, au contraire, je ne sens plus mon corps, je suis entièrement concentré sur ce que j’écris. Mais j’entends par « travail » les gestes que l’on fait pour préparer un matériau, quel qu’il soit – des pièces de bois ou de métal à assembler, des légumes à cuisiner, des notes à retranscrire – en vue de constituer un ensemble qui sera, dans le meilleur des cas, plus grand et plus intéressant que la somme de ses parties. Ce travail peut être long, car il comporte une grande part de tâtonnements, d’hésitations, de fausses routes et de fausses pistes.

De sorte que le plaisir et les émotions qui rendent l’écriture vivante se font attendre, tant que je n’ai pas atteint ma « vitesse de croisière ». Plus précisément : tant que je ne suis pas suffisamment engagé dans le texte ou le livre pour m’y atteler chaque jour en sachant où je vais.

Il ne suffit pas que j’aie une idée pour que je m’attelle à l’écriture. Il faut que l’idée, étayée par d’autres idées (celle d’une trame, d’un squelette approximatif), tienne debout et permette d’avancer. Tant que ça ne tient pas debout, je n’atteint pas la vitesse de croisière et je rame. Le plaisir se fait attendre. Le travail, alors, est un peu désespérant.

Tout ça est très intuitif. Quand je sens être dans la bonne direction, même si je ne comprends pas très bien ce que je fais, je continue, je n’ai pas de mal à continuer. Quand j’ai le sentiment de faire fausse route, je n’efface pas ce que j’ai écrit, j’y retourne ou je recommence, autrement. Je continue, quitte à reprendre plus tard. Je préfère avancer et reprendre ensuite, parce que même si je sens que je fais fausse route, ça ne signifie pas que ce que j’écris est sans intérêt, ou inutilisable.

Régulièrement, je retrouve des esquisses, des états préparatoires d’un roman ou d’un texte qui est devenu une nouvelle, ou un essai, ou un livre. J’ai toujours pris beaucoup de notes (j’ai des flopées de cahiers) mais je ne les utilise pas systématiquement. De fait, quand je relis les « notes » ou les « esquisses » de romans, et lorsque je me rends compte que je n’ai pas du tout retenu les idées auxquelles elles s’efforçaient de donner forme,  je ne le regrette pas. Parfois, l’idée est tout de même passée dans le livre alors que je n'ai pas relu les notes. Ce qui semble montrer que ce n’est pas tellement l’idée en elle-même qui a besoin d’être notée. Une idée, une notion, un personnage importants pour le livre finissent par faire leur chemin.

Qu’est-ce qui se passe, alors, dans la prise de notes, dans l’écriture qui, au fond, ne va pas plus loin que le moment qui l’a vue naître ?

Je me suis longtemps dit que je notais pour ne pas oublier les idées qui me semblaient bonnes, mais je me demande si, au fond, les notes ne sont pas, en elles-mêmes, des esquisses. Une méthode spontanée pour « essayer » des phrases, des idées, des dialogues. Comme un dessinateur ou un peintre qui ferait l’essai de coups de crayon, de pinceau. Ou un musicien qui plaquerait, pour voir, un accord, une combinaison de touches sur son instrument. Si tel est le cas, ce n’est pas tant le contenu de la note ou de la page qui compte, que le mouvement qui me la fait l’écrire. Ce qui explique pourquoi je ne la reprends pas (ou rarement) ensuite.

Ecrire, c’est écrire beaucoup. Tout le temps. A la moindre occasion. Sans se poser la question de savoir si ça fera partie d’un tout plus grand, et encore moins si ça sera publié. Ecrire comme on fait des gammes sur son instrument. Comme on essaie une phrase musicale pour savoir si elle va quelque part. Ecrire pour écrire, avant d’écrire pour être lu.

Et tout livre commence ainsi : par une sorte d’exploration aléatoire, autour d’une idée encore mal dégrossie, mais suffisamment taraudante pour qu’on ait envie de lui ouvrir une piste, afin de savoir où elle va nous conduire. Une piste à la machette. Dans les bois. Dans un lieu où – à ma connaissance – personne n’est, peut-être, encore passé. Où je sais, en tout cas, que je ne suis pas encore passé. Et quand j’ai atteint le mode croisière, j'avance encore à la machette. Je sais où je vais, je n’ai plus de problème d’orientation, j’ai ma boussole en tête, je ne cherche plus mon chemin, mais il faut quand même déblayer. Cela semble loin de la métaphore du rat-qui-construit-le-labyrinthe-dont-il-se-propose-de-sortir, chère à Georges Perec et que j’ai souvent reprise, mais c’est la même chose.

Car au fond, toutes les histoires existent déjà, sous une forme ou une autre, comme des arbres dans une forêt qui ne cesse de changer avec le temps, mais dont la végétation s’alimente toujours aux mêmes sources : la vie des humains.

Je parcours mon propre labyrinthe dans la forêt des histoires.

Même si j’ai acquis de l’expérience, même si je sais me tailler un chemin dans cette végétation, même si j’ai plus de goût pour certaines essences que pour d’autres, et même lorsque j’ai atteint ma vitesse de croisière, j’avance toujours en territoire inconnu. Ce n’est qu’à la fin que je peux prendre la mesure du chemin parcouru. C’est seulement une fois le livre terminé que je sais ce que j’ai fait. Enfin, à peu près...

On pourra se dire que j'ai toujours du bonheur à me lancer dans cette exploration, à plonger dans la forêt des mots et des histoires, puisque je le fais chaque jour, librement, et avec la perspective que le voyage ne se fera pas en vain (puisque je suis un écrivain publié, qui pour le moment n’a pas de souci à se faire sur ce point).
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Mais le bonheur (réel) de pouvoir écrire librement – enfin, beaucoup plus librement que la plupart des écrivants – est tempéré par une réalité très simple, mais que je n’oublie jamais : j’ai beau avoir été publié de nombreuses fois, j’ai beau savoir que certains de mes livres se sont beaucoup vendus, j’ai beau avoir reçu des réactions positives pour la plupart de mes livres – de leurs lecteurs, du moins -, je ne suis jamais sûr, pour autant, que ce que je suis en train d’écrire est « bon ».

Sur ce point-là aussi, j'écris à l’aventure.

(A suivre)

Mar(c)tin 

Mardi 8 mars 2011 : j'ai recopié toutes mes entrées personnelles du blog, depuis la première, "Chevaliers des touches", jusqu'à celle-ci, dans un seul et même fichier. L'ensemble fait, à l'heure actuelle, 600 000 signes (400 pages standard). Je vais essayer d'en faire un livre, en retouchant les textes et en les organisant autrement. "Chaque texte prépare le suivant."

samedi 5 mars 2011

Impressions de voyage (Ex. n°17) - par Martine B.


Un beau jour d’Octobre 2010, je me suis dit que les vacances avaient assez duré. Le farniente dans l’Océan indien, c’est divin au début, puis c’est comme tout, on s’en lasse. Alors j’ai refait mes valises afin de continuer le périple initiatique offert  par mes parents avant mon entrée à l’université de New Delhi.

Je décidai de faire route vers le vieux continent, plus particulièrement vers la Francie, pays d’origine de ma grand-mère maternelle. Toute mon enfance avait été bercée par les descriptions qu’elle me faisait de cet endroit où il faisait bon vivre, où les hommes et les femmes s’exprimaient en toute liberté et se savaient écoutés. Où ils étaient heureux de se rendre au travail pour ensuite profiter de leur temps libre  car les subventions de l’Etat, tant dans le domaine de la culture que dans celui du sport, leur permettaient à tous de s’épanouir. Et puis je me souviens qu’elle me racontait les produits succulents que l’on trouvait là-bas et qui lui permettaient de cuisiner des plats à se damner. J’étais impatient de visiter ce petit bout de terre auquel j’étais déjà attaché, bien que ne l’ayant jamais visité.

En débarquant à l’aéroport, je fus surpris par la mine sombre et l’impatience des touristes qui m’entouraient. Bon, me dis-je, cela n’est rien, à moi la grande ville et ses plaisirs ! Là-bas, c’est sûr, je vais rencontrer des  gens heureux de vivre. Je me voyais déjà déguster un cocktail à la terrasse d’un de ces cafés dont m’avait parlé ma grand-mère en observant la foule qui se dirigeait vers les magasins chics (car les habitants de ce pays bénéficiaient d’un pouvoir d’achat non négligeable), entamer la conversation avec des demoiselles raffinées et délurées à la fois, ou avec des jeunes gens habillés comme des gravures de mode.

Le chauffeur de taxi qui me prit en charge ne fut pas des plus aimables. Je ne comprenais pas pourquoi il m’avait dévisagé de la sorte, ni pourquoi il refusait de répondre à mes questions. Enfin si, j’ai une petite idée en ce qui concerne son mutisme, vu qu’il était incapable d’aligner trois mots d’anglais. Ce qui m’étonna d’ailleurs car ma grand-mère m’avait semblée si fière du système scolaire de son pays, qui offrait la même éducation à tous les enfants quelle que soit leur origine sociale.

Plus nous approchions du centre de la  Grande Ville, plus la circulation était dense, ce qui fit maugréer mon  chauffeur (appelons-le Hubert, si vous n’y voyez pas d’inconvénient). Je compris bientôt ce qui causait cet embarras. Une foule impressionnante bloquait une artère principale, et cela ne semblait pas être un fait habituel à en juger les mimiques d’Hubert qui laissaient transparaître une exaspération certaine. J’observai la masse des passants qui avançait tranquillement au son d’une musique rythmée et m’aperçus qu’ils étaient regroupés derrière des banderoles de couleurs différentes, où le rouge et l’orange dominaient. Ils scandaient des slogans à l’unisson et je regrettai de ne pas mieux parler la langue de grand-mère afin d’en comprendre le sens. Je reconnus vaguement le mot « retraite », mais que venait donc faire « Bettancourt » là-dedans ?

Hubert s’énervait de plus en plus, marmonnant les mots de « fonctionnaires » et de « fainéants ». Ceux-là j’en connaissais le sens, ce que je ne comprenais pas en revanche c’était l’animosité d’Hubert à l’égard de cette foule plutôt bon enfant. Je décidai de régler ma course et de continuer à pied.

Je fus happée par les manifestants (c’est comme cela qu’on les appelle). Une grande brune aux yeux verts qui avait compris que je venais de débarquer, c’est le cas de le dire, me sourit puis elle entama la conversation. Elle m’expliqua dans un anglais sans faille que les travailleurs de ce pays n’en pouvaient plus, surtout ceux qui occupaient des emplois pénibles depuis leur plus jeune âge car on allait les obliger à continuer deux années de plus. Mais je croyais qu’ici les gens étaient heureux de travailler rétorquai-je. Alors elle m’expliqua que ce n’était plus vrai, que l’on consommait trop de médicaments dans ce pays et que c’était lié à un mal-être profond, lié aux conditions de travail qui se détérioraient, au pouvoir d’achat qui baissait, aux promesses non tenues par le gouvernement. Elle me dit que des rassemblements de ce genre, il y en avait de plus en plus souvent mais qu’elle n’avait guère espoir de voir changer les choses avant de nombreux mois encore.

J’étais à la fois abasourdi par tout ce que j’avais vu et entendu et heureux d’être là, pendu aux lèvres de Mélanie. J’étais en train de succomber à son sourire.

Je savais que j’allais prolonger mon séjour.