lundi 6 septembre 2010

Retour de vacances, 1 - par Ananim


Katia poussa la porte. Derrière ses yeux, persistait encore le gris du ciel parisien. Et ça la rendait plutôt heureuse. Depuis qu’elle avait quitté la France, dix ans plus tôt, pour un pays ou il ne faisait jamais froid, elle fuyait la chaleur qu’elle avait chérie pendant les étés de son enfance. Ces vacances avaient été merveilleuses. Jusque-là, les voyages en France l’avaient enserrée d’une ambivalence paralysante. 

Pourtant, elle reconnaissait parfaitement la ville dans laquelle elle avait grandi. Les choses n’avaient pas changé, l’épicerie du coin de la rue, la sonnerie de l’école d’à côté à l’heure de la récré, le conservatoire où elle avait étudié la danse classique tous les mercredis et tous les samedis, la voix douce de sa maman le soir et la porte qu’elle claquait toujours en en quittant l’appartement. Mais Katia s’était sentie perdue dans ses rues. Elle avait reconnu la ligne des immeubles mais le dessin ne lui était plus familier. La ville n’offrait plus ces détails impalpables grâce auxquels elle s’était un jour sentie « chez elle ».

Cependant, ce voyage-là avait été différent. Cette année, Katia s’était résolue à admettre que maintenant chez elle, c’était ailleurs. Et elle avait adoré être à Paris. Elle n’attendait plus de la ville le confort que l’on attend de sa maison. Elle avait posé sur ses grandes avenues un regard différent. Un regard curieux. Un regard impatient.
La porte grinça. Rien n’avait changé. Elle se félicita d’avoir rangé l’appartement avant les vacances. Javier ne devait rentrer de son week-end dans le nord que le lendemain et elle aurait détesté être seule dans le désordre. 

En respirant l’air chaud de l’appartement vétuste, elle réalisa qu’il lui avait terriblement manqué. L’éloignement l’avait décidée. Elle accepterait de vivre avec lui même s’il n’était pas encore prêt à se marier.

Elle s’assit sur le fauteuil du salon et alluma la télé. Par réflexe. Pour ne pas être seule. Publicité pour la lessive. Clip lascif d’Efrat Gosh. Documentaire sur les familles monoparentales. Mouvement de soutien à Gilad Shalit. Et soudain, Katia réalisa qu’au-dessus du cadre noir de l’écran, trônait la statue Superman qui était habituellement posée sur sa bibliothèque de Javier, au-dessus de sa guitare électrique. Quand elle l’avait aperçue la première fois, elle avait ri comme une enfant. Il l’avait trouvée belle. Et souvent, il lui avait dit que c’est à cet instant-même qu’il était tombé amoureux d’elle. Katia s’approcha. Elle se demanda ce qui avait pu pousser Javier à poser l’homme ridicule en culotte rouge sur cette télé d’un autre siècle ? 

Dans l’obscurité naissante de la fin de journée, sur le costume bleu et rouge de la figurine, elle réalisa que quelque chose brillait. Elle cligna des yeux. Au bout du bras musclé du super héros, dans sa petite main en céramique, était déposée une bague de fiançailles.

Des larmes se mirent à couler le long de son cou. Elle se retourna. Javier était la. Elle ne l’avait pas entendu entrer. Il avait deux bouteilles de lait à la main. Il lui sourit. Il lui dit qu’il était persuadé qu’elle n’arriverait que plus tard dans la soirée, qu’il était arrivé plus tôt en pensant la surprendre, que dommage, c’était raté. Et puis, il lui prit la main et en l’embrassant, il lui demanda si elle accepterait de l’épouser.

Ananim 

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