dimanche 1 novembre 2009

Je me souviens (7) - par Martine B.

Je me souviens des vacances en Charente chez mes grands-parents,
Grand-père nous emmenait à la mer dans sa 4CV noire, cela semblait si loin.
Je me souviens des siestes interminables dont je m’échappais en douce
Pour aller sculpter le bois dans l’atelier de Grand-père.
Je me souviens de la chèvre qui refusait de me suivre quand on la menait au pré
Et me donnait des coups de corne.
Je me souviens de la ferme voisine
Où on allait chercher le lait le soir à la fraiche, avec Angèle.
Je me souviens de l’herbe glanée dans les champs pour nourrir la chèvre.
Je me souviens des cornichons que l’on mettait en bocaux et qui grattaient les doigts.
Je me souviens de la vieille tante avec du poil au menton qu’il fallait embrasser.
Je me souviens des tours pendables de mon cousin Pascal,
Je me souviens qu’Angèle lui passait tout et qu’il la faisait rire.

Je me souviens, le Noël suivant,
On m’a dit : ‘Ta grand-mère a eu un accident’.
Mais je ne me souvenais pas d’avoir jamais vu Angèle sur un vélo...
Je me souviens de ce que l’on m’a trop longtemps caché

Je me souviens (6) par Salomé

Je me souviens de la chicorée que tu mêlais au café, des étiquettes des paquets Leroux que tu échangeais contre des torchons, du lait cru que tu ramenais de la ferme d'à côté dans ces pots à lait en aluminium munis d'une anse en bois que tu appelais laitières, des tartines de confiture maison – la fraise, ma préférée.

Du tiroir du bout de la table de la cuisine, caché sous la toile ciré, que j'ai mis longtemps à découvrir et qui recelait des trésors de cartes postales.

Des œufs à la coque, du pâté de lapin, du bœuf en daube et des soupes, forcément meilleures que celles de nos mères. Des framboises gorgées de soleil que nous mangions sur pied, des haricots verts et des petits pois extra-extra fins. Du canard que nous trempions dans le café des adultes, à la fin du repas de midi, une fois la vaisselle faite.

Du bac à sable, de la charrette, des gravillons dans l'allée qu'il ne fallait pas toucher, de la cave où, l'hiver, nous jouions aux juifs cachés pendant la guerre.

Du plancher qui gémissait sous nos pas, des cadavres parsemés au plafond de la chambre, témoins de notre éphémère victoire au lancer de tatane contre des hordes de moustiques, des édredons en vrai duvet dont le gonflant n'avait rien à envier aux couettes d'aujourd'hui.

De ton sempiternel maigre chignon gris qu'un petit matin, en allant aux toilettes, j'avais surpris pas encore fait, révélant des cheveux d'une longueur que les miens n'avaient pas le droit d'atteindre, signe indiscutable de ta féminité malgré les années.

De tes paroles d'une sagesse surannée. Tes « Prends -ton temps, Jean-Philippe ! » d'une époque où l'on pouvait se permettre de faire les choses en s'appliquant et qui contrastaient délicieusement avec les « Mais dépêche -toi donc ! » de ma mère habituée à mener plusieurs choses de front. De tes « Il ne faut pas dire du mal des gens », qui, du coup, mettaient fin à de nombreuses conversations.

J'ai hérité de tes laitières, de ta cafetière émaillée, et j'ai conservé le goût de la chicorée.