samedi 31 octobre 2009

Je me souviens (5) - par Zelapin

Tout d’abord, je me souviens que wikipédia m’a bien aidée sur ce coup-là, en 2009, me fournissant plein d’explications sur ces souvenirs de Georges Perec et l’inspirateur de cette forme (Joe Brainard «I remember »).

1 Je me souviens qu’en 1969, il est survenu au moins deux évènements majeurs, dont l’un a plus particulièrement affecté la vie jusqu’alors paisible de mon frère.
2/ Je me souviens avoir été vieille et avoir pleuré tous les soirs pendant deux mois, à la maison de retraite, quand la veilleuse était passée. En plus, j’aimais pas son parfum.
3/ Je me souviens avoir pensé qu’il était trop tôt pour te perdre, toi mon père, que je n’étais pas prête, alors que je ne suis plus mais plus du tout une enfant. C’était en mai 2007, quand cet interne aux urgences a parlé d’une énorme masse en face post du pancréas.
4/ Je me souviens avoir aimé la version de L.P., chirurgien viscéral, quand il a préféré t’envoyer au CHU pour qu’on puisse éventuellement emboliser cette « durite », qui n’avait rien d’une tumeur. J’ai aimé ce changement de diagnostic, j’ai aimé ne pas en avoir voulu à l’interne, je me suis trouvée terrible dans ma généreuse mansuétude. C’est pas souvent.
5/ Je me souviens des émissions de télé animalières qu’on regardait avec P. (mon frère), dont on imitait certains protagonistes. Ah, la danse nuptiale de la grue bleue du Nil (cherchez pas…) à 6 et 11 ans, en pyjama dans le salon…
6/ Je me souviens quand à sept ans j’étais Michel Sardou, que je rentrais sur scène et que les projecteurs m’éblouissaient. Juste après ça, je n’étais plus lui. Je voulais la sensation, pas le vécu.
(je me souviens de la mort de Claude François, que je n’aimais pas, le jour de la kermesse sur le terrain de sport)
7/ Je me souviens de la détresse de cette petite fille qui ne s’était pas vue grandir et qui avait écrit une lettre à cet andouille de G.B.. Il s’était fait choper par sœur J., qui en a fait tout un pataquès. La détresse est venue après, quand elle a été considérée comme une pestiférée et que la confiance s’en est allée. Elle s’est mise à vouloir correspondre à sa nouvelle image de trainée, sans réel succès malgré les coups foireux. Les sœurs lui ont adressé un courrier stupide dans l’été, disant qu’elles avaient prié pour qu’elle ne devienne pas péripatéticienne. Ca a marché, elle ne l’est toujours pas ! L’année d’après, en sixième, elle n’était plus l’extra-terrestre, d’autres qu’elle étaient réglées, d’autres qu’elle mesuraient plus d’un mètre cinquante.
8/ Je me souviens de Buenos-Aires et de cette première manche gagnée. Je me souviens de P.B. sur le bateau-comité, visiblement heureux qu’une petite française qui paie pas de mine s’octroie une première place. Mais peut-être est-ce une pure interprétation. M‘en fous, je m’en souviens.
9/ Je me souviens qu’il m’était pendant longtemps totalement inaccessible l’état d’esprit qui animait ma mère quand elle me proposait la moitié de son dessert « parce-que ça lui faisait plaisir ».
Si je suis honnête, j’avoue que cela m’est encore inaccessible pour au moins deux desserts sur trois (prototype de mère indigne).
10/ Je me souviens du choc à la lecture de Marcel Pagnol en ce1, puis de « L’ herbe bleue » (lu trop tôt, je sortais de là malade, comme si c’était moi qui fumais, j’en venais à éviter le regard de mes parents, de crainte qu’ils ne découvrent quelque chose…que je ne faisais pas). Je sais que c’est à ce moment-là que j’ai pensé que je lirais toujours. A ce jour, à la question « peste ou choléra » qui me demande de choisir entre la paraplégie et la cécité, je réponds paraplégie. Je sais qu’on peut entendre la littérature, mais la percevoir par moi-même, par mes propres sens, c’est essentiel. (fishtail end, pour pas faire trop long !)

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