dimanche 13 septembre 2009

"Contretemps" par Bazile Bé

Cette fois ci, c’est sur… je le fais ! Ma décision est prise, cela fait trop longtemps que cette histoire me turlupine le gros Côlon, j’en ai des rouchements de pense à me torde, à tel point que je n’arrive plus à chier tranquillement comme j’aimais à le faire tous les matins, à peine levé et juste avant mon café, comme on se débarrasse de sa crasse afin de commencer la journée sous un ciel nouveau.

Je dois mettre mon plan à exécution… pour ce faire, n’ayant plus de téléphone depuis que je n’ai pu payé ma dernière facture, je décide de me rendre chez pierrot, au bar de la poste, boire un coup pour entériner ma décision et consulter le bottin du téléphone. Je sais bien que je ne pourrais appeler ce soir, il est trop tard pour cela… je le ferais demain dés l’ouverture des bureaux. J’aime bien remettre au lendemain… et de toute façon, c’est trop tard. J’éteins mon électrophone qui depuis cinq minutes tourne à vide et je sors. Chemin faisant, je me réjouis d’avance à la gueule qu’ils vont faire en apprenant ça… ah nom de Dieu ! Je m’en serre les cacahuètes au travers de ma poche tellement cette décision m’excite, me galvanise le moral. Les salops ils vont voir à qui ils ont affaire ! J’en suis convaincu, c’est la bonne décision… cela fait trop longtemps et si ça continu je risque l’occlusion, la tripaille au bord de la rupture, une éviscération gastronomique ! Tout à se répandre !

D’abord, je vais boire un coup, peut-être deux si une connaissance se pointe et m’offre généreusement une tournée, parce que là, je suis raide ! Juste de quoi pour un canon de rouge… à peine ! Je ne vais pas m’apitoyer, je ne suis pas de ceux là et j’ai d’autres chiens à fouetter !

Il ne doit pas être loin de vingt heures quand j’arrive chez Pierrot, c’est un petit bar de quartier, où se retrouve toute la fine fleure du secteur de la Bastille. Que des noctambules, des célibataires en mal d’amour, des ivrognes, des chômeurs en partance pour une nouvelle aventure, quelques béguineuses venues soulager leurs varices… et, y a Marcel ! Je l’aperçois accoudé au bar, en pleine conversation avec Pierrot. Marcel c’est un ancien avocat véreux, rayé du barrot depuis peu et qui consulte ici dorénavant… Marcel se fait rétribuer ses conseils en pintes de bières, pas plus de huit clients par soir, il n’encaisse pas plus… sinon il sort en courant décaisser dans la petite ruelle qui borde le bar… Raoul par ci, Raoul par là ! Alors il se contient… Là, il n’est pas trop tard, il va pouvoir me conseiller, m’informer sur la procédure, Comment les couillonner une bonne fois pour toute ! Les empapaouter les jobards ! Les chouriner ! Jusqu’à la garde ! Ah nom de Dieu de bordel, la régalade ! Tient, je m’en re-palpe les gonades !

Evidement, je n’ai pas de quoi pour ses honoraires… me fera bien crédit d’une tournée… peut-être bien qu’il me payera un coup ou deux… trois s’il est en bonté ! Qu’après tout mon histoire sort de l’ordinaire ! Ce n’est pas de ces petites niaiseries à la semaine dont il fait son ordinaire ! C’est du gros ! Une énormité pareille on laisse pas filer ! Ça se plaide pas, on empale directe !

Je pousse la porte du café et j’entre, je file directe au bar saluer Pierrot et Marcel.

- Tient, voici Gaspar… qu’est ce qui t’amène ?

- La soif… sers moi un petit rouge…

- T’as pas l’air dans ton assiette ?

- Que si… je suis même d’attaque, remonté comme une horloge, le compteur à zéro prêt à se déclencher !… ça va péter pas plus tard que demain matin, éclabousser dans la presse, la radio et tout le Saint frusquin ! Je ne vous dis pas le Bordel au réveil !

C’est vrai, je ne dis pas… parce que je ne sais pas encore dans quel état je vais me réveiller.

Pierrot, plus curieux qu’une bignole m’a remis un coup, il voulait savoir le fin mot de l’histoire… puis Marcel qui apercevait dans mon intrigue un intérêt quelconque… Puis une autre tournée… j’en remis une en promettant de venir demain régler mon ardoise… puis une autre.

Je ne sais pas comment je suis rentré chez moi, là je me lève, il doit bien être onze heures et j’ai la tête dans cul… j’essai de me souvenir où j’ai pu traîner pour me mettre dans un état pareil… ah ! Pierrot… je m’étais pourtant juré de plus y foutre les pieds le soir… de ne plus me murger la gueule avec la plèbe ! Qu’à chaque fois je me fous dans des états pareils ! Et pourquoi j’y suis allé… j’étais bien, peinard chez moi… Je me rappelle ! J’écoutais du jazz… du Brubeck… Dave… « Blue rondo à la turk »… à chaque fois que je l’écoute, je rêvasse… Je vois le ciel bleu et des prairies en fleurs… je suis bien.

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